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Alassane Samba Diop : Un vétéran du journalisme face aux défis du paysage médiatique actuel

today19 mai 2024 100 2

Background
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Invité dans la rubrique “Grand-Place” du Quotidien EnQuête, Alassane Samba Diop, Directeur du Groupe E-Média Invest, a partagé son parcours et son expérience dans le monde de la presse. Il a évoqué sa collaboration avec des professionnels renommés tels que Walf, RFM et eMedia. Lors de cet entretien, il a également abordé sa période difficile, sa réponse aux rumeurs sur les financements de l’ancien régime, ainsi que les défis auxquels la presse est confrontée. Alassane Samba Diop, qui dirige EmediaInvest depuis mai 2023, a ouvert son cœur à EnQuête, partageant ses plus de 25 ans d’expérience dans le domaine.

Qui est Alassane Samba Diop, pouvez-vous revenir un peu sur votre parcours ?

Alassane Samba Diop est un Sénégalais qui vient du Fouta, plus précisément de Kanel, qui a fait ses études entre Kanel et Dakar. Jai eu mon baccalauréat au lycée Lamine Gueye où jai connu Yoro Dia(ancien ministre porte-parole de la Présidence : NDLR). On a fait la seconde, la première et la terminale ensemble. Après le bac, il est parti au département dHistoire et moi je suis allé faire mes humanités enSociologie. Il se trouve que la même année, il y a eu lannée invalide. Par un concours de circonstances, on a fait le concours dentrée au Cesti et on la réussi.

Nous avons retrouvé au Cesti des aînés comme Mamoudou Ibra Kane, Aliou Ndiaye, Babacar Cissé, Abdoulaye Sekou Faye, entre autres. En 1997, nous avons fait notre stage au journal « Le Matin » qui venait dêtre lancé avec les Baba Tandian, les Boubacar Boris Diop, Alain Agboton, Pape Samba Kane... Nous avons retrouvé là-bas AliouNdiaye, Sidy Diop, Habib Demba Fall, Mamadou Alpha Diallo dit Zak qui est maintenant aux Nations Unies, Samboudian Camara, Yakham Mbaye…

Par la suite, Walf a lancé sa radio et Mame Less Camara a fait appel à nous. Jai fait 8 ans à walfadjri. En tant que reporter, jétais préposé àcouvrir toutes les grèves à luniversité. Jy étais avec les Jupiter Diagne, Aliou Ndiaye, Mamoudou Ibra Kane, Yoro Dia, Antoine Diouf, feue Reine Marie Faye, Abdoulaye Lam, Assane Gueye, on faisait une très belle équipe. A un moment, il y a eu des divergences entre le syndicat et Sidy Lamine Niasse sur lorientation du groupe. A cause de ces tiraillements, Sidy avait décidé daffecter tous les jeunes reporters dans les régions. Je me suis ainsi retrouvé à Matam.  Finalement, on a démissionné de Walfadjri.

Le départ de Walfadjri, la traversée du désert, lépisode avec la RMD et Pape Diop

On est resté un moment sans travail, cétait vraiment difficile. Cest en ce moment quon sest rendu compte que la star, cest le médium. Les gens qui vous appellent cest parce que vous êtes dans un lieu où ils pensent que vous pouvez leur être utile…. Cela a contribué à renforcernotre humilité. Par la suite, avant RFM, il y a eu lépisode de la Radio Municipale de Dakar (RMD), créée par Pape Diop, à lépoque maire de Dakar. Il lavait confiée à Mamoudou qui ma parlé du projet et ma confié la rédaction. On est resté huit mois là-bas, mais le projet ne bougeait pas, malgré les multiples voyages de Mamoudou en France pour commander du matériel… Un ami qui était à la Présidence à lépoque ma par la suite appelé pour me dire que cest une mauvaise idée de rester à la RMD. Il nous a fait comprendre que les gens de la Présidence considéraient que nous avons été avec Walf et Sud pour beaucoup dans lavènement de lalternance en 2000, que nous faisions partie de ceux qui ont fait partir Diouf même si ce nest pas vrai,parce que ce sont les Sénégalais qui votent. Il ma dit : « ils veulent vous mettre là-bas (à la RMD), ils vont vous payer des salaires, mais cest juste pour vous neutraliser ». Comme moi je considère quun journaliste qui nest pas à lantenne, qui nécrit pas, nen est plus un.

Cest en ce moment que jai appelé Youssou Ndour que je connaissais. Je lui ai demandé si sa radio Sports FM marchait ? Il ma dit que non et on a échangé…. Mon point de vue était que le concept de radio thématique ne marche pas trop au Sénégal. Nous, on aime les radios où les gens se chamaillent, parlent beaucoup politique... Par la suite, on sest rencontré chez lui à Fann, on a discuté et je lui ai présenté le premier draft de ce qui allait devenir la RFM. Il ma convaincu de venir travailler avec lui. Je lui ai demandé si je peux venir avec Mamoudou Ibra Kane et il a donné son accord. Youssou Ndour a voulu me confier la direction de la radio, je lui ai proposé de la donner à Mamoudou. Je lai fait parce que quand on quittait la RMD, il avait la position de directeur et je voulais quil occupe lamême position ici. Cétait aussi pour moi une manière de lui renvoyer lascenseur, parce que quand jétais en chômage, il mavait tendu la main. Et moi je suis comme ça, je noublie jamais ces genres de choses. Avec Mamoudou, comme on dit, on a toujours eu de bonnes vibes, on se comprend. Pour dire que RFM cétait vraiment notre bébé. Même le nom cest moi qui lai donné. On pensait à Ndakaru FM, Liberté FM… Jai dit à Youssou vous avez un groupe qui sappelle Groupe Futurs Médias disons donc RFM, la radio futurs médias. Dailleurs si vous regardez bien, vous allez voir que les logos quon avait au départ, cétait inspiré des logos de RFM France, avec du bleu sur du rouge. On utilisait même le jingle de cette radio. Au fur et à mesure, ça a changé. Cest comme ça que cest parti. Ensuite, Youssou ma chargé du recrutement ; la plupart des anciens qui sont àla RFM cest moi qui les ai appelés. Youssou disait que GFM cest le Real Madrid et il doit faire des transferts. 

Vous en avez quand même pris beaucoup à  Walf, comment cela avait été accueilli par Sidy?

Cest vrai quil ne lavait pas bien pris. A un moment, il a eu à dire quils nous donnent six mois pour ne plus tenir. Youssou Ndour a mis les moyens et on a fait le job. Par la suite, est venu Lobservateur qui sappelait dabord ‘‘Pop loriginal’’, ensuite la TFM qui a été pendant un temps bloqué par le régime dalors. Je crois que le déclic qui a poussé Wade à donner à Youssou sa licence cest quand Abdoulaye Wade avait lancé lappel pour aller chercher les Haïtiens. Khalifa Diakhaté était parti dans lavion avec le ministre Lamine Ba. Il a pu faire un travail remarquable, un bon reportage envoyé le jour même. On a pu le diffuser dans le journal du soir. Je pense que la Présidence était un peu ébahie parce que la RTS était là, elle na pas pu le faire, ou bien ils nont pas eu lidée de le faire. Je pense quà partir de là, les gens se sont rendu compte quils ont affaire à de jeunes professionnels qui ne font que leur travail. De manière très professionnelle. 

Ny avait-il pas une certaine envie de revanche vu les conditions dans lesquelles vous avez quitté Walf ?

Non non non. Au contraire ! Nous noublierons jamais ce que Walf et Sidy nous ont apporté, Walf a été une grande école pour nous. Je me rappelle dailleurs mes premiers pas à Walf, lors dun stage en première année de CESTI. La première chose quon te demandait cétait de faire le thé pour les grands frères: Ousseynou Gueye Abdourahmane Camara, Jean Meissa Diop, Seydou Sall… Je me suis beaucoup bonifié au contact de ces aînés. Cétait une famille. Sidy ne donnait certes pas de perdiem, mais il y avait le bol de Sidy qui réunissait tout le monde. Cétait vraiment une ambiance conviviale et ce sont ces bons souvenirs que lon a gardé de Walf.

Vous rappelez vous de votre premier salaire?

Javais 30.000 francs CFA. Jhabitais la Patte doie. Des fois, je prenais le car rapide jusquà Khar Yalla. Des fois, je marchais. En 1998, quand je partais avec Mamadou Alpha Diallo couvrir la guerre en Guinée Bissau, chacun avait 10.000 francs CFA. Largent nétait vraiment pas un problème pour nous. La passion prenait le dessus. Nous sommes partis pendant trois mois. Il y avait aussi dautres confrères de Nouvel horizon, du Cafard Libéré, mais aussi le doyen Amadou Mbaye Loum. Cest la première fois que jallais au front jentendais les balles siffler… Nous aurions pu y perdre la vie. Cétaitune ambiance assez éprouvante, pour la première fois, on a vu des morts. Cela ma beaucoup forgé dans mon travail, jy ai aussi connu beaucoup de militaires, de très belles rencontres.

Comment faisiez-vous pour lenvoi de vos papiers, si lon sait quinternet nétait pas aussi développé ?

On a travaillé dans des conditions très difficiles. On navait pas internet je squattais la valise de RFI ou de radio Portugal. Mame Less était le directeur de la radio ; il était très inquiet parce quil avait peurque les enfants dautrui quil avait envoyés reviennent dans des cercueils. Je me rappelle le premier papier que nous avions fait à notre retour de Bissau, il a été publié dans la rubrique kiosques de Jeune Afrique. En ce moment, on avait juste la convention collective : peut-être 100 ou 150.000 francs maximum. Nous sommes partis parce que nous étions passionnés. Et je pense que cest ce quil faut pour être un bon journaliste. Malheureusement cette passion a tendance à disparaitre de nos rédactions.

Doù vient le surnom Scoop que certains vous collent ?

Cela vient des confrères. Je pense que cétait Madiambal Diagne qui ma affabulé du surnom scoop pour la première fois. Le plus important pour un journaliste cest de ne pas suivre les effets de mode, davoir sa stratégie pour accéder à linformation, à la bonne information, de première main comme on dit. Pour ce faire, il faut être dégourdi, mais patient ; il faut aussi préserver sa crédibilité. Même quand on vous donne un document, tu dois vérifier, recouper, trianguler…. Ce nest pas toujours évident dans notre contexte notamment avec les difficultés daccéder à linformation. Il faut donc être patient et rigoureux pour éviter dêtre démenti.

En 2018, vous quittez GFM pour mettre en place Emedia invest. Pouvez-vous revenir sur les circonstances de votre départ et la création de ce groupe?

Nous avons quitté GFM qui, comme je le disais, est notre bébé et on a toujours dexcellentes relations avec nos frères qui sont là-bas. Cest parti sur le constat quil y a des engagements qui ont été pris et qui nont pas été respectés. Pour la bonne et simple raison quon a toujours défendu que les journalistes doivent être des actionnaires dans les entreprises de presse dans lesquelles ils travaillent ; les patrons doivent avoir la générosité douvrir le capital aux travailleurs. Ensuite, on sest rendu compte que la fonction de journaliste était de plus en plus négligée au profit de « lEntertainment », du spectacle. Ce qui est compréhensible parce que le groupe a été créé par un artiste. Cest donc normal quil y ait une certaine sensibilité au spectacle. A un moment donné, le seul rendez-vous qui existait par exemple en français cétait le 20H. Les affaires de la cité, question directe, Lart, beaucoup démissions ont été supprimées et remplacéespar des émissions en wolof ou de divertissement. Quand on ne se sent plus à laise dans ce qui se fait, il est temps de partir.

Archives des Alassane Samba Diop - MaderPost

On sest réuni : dabord Mamoudou Ibra Kane, Mamadou Ndiaye et moi pour voir comment mettre en place un groupe. On sest dit que la seule expérience de journalistes qui se sont réunis et qui ont monté quelque chose de solide, cest Sud. Pourquoi pas imiter ce modèle? Sauf que nous, nous navions pas de capital. On sest dit quil faut aller chercher des hommes daffaires sénégalais à qui on va expliquer le projet. Lidée était de leur dire que le Sénégal va devenir un pays gazier et pétrolier. De plus en plus, les médias étrangers vont sintéresser au Sénégal, et cest déjà le cas. Nous leur avons dit : vous êtes des hommes daffaires, vous avez des intérêts à défendre, nous,nous sommes des journalistes, je pense quon devrait sassocier et mettre en place des choses, et tout le monde va gagner. Sinon demain si on vous arrache vos droits vous nauriez nulle part où vous plaindre, dautant plus que ces médias étrangers vont défendre les entreprises de leurs pays. Ensuite, cest pour contribuer à la démocratie sénégalaise. Cest une vision holistique qui a favorisé la naissance de ce projet. Les partenaires savent quils ne vont peut-être pas gagner de largent, mais quils vont contribuer à la création demplois, ils vont participer à la démocratie et cela a des effets sur leurs business. 

Donc vous nêtes pas contre la jonction entre le capital et les journalistes pour mettre en place des groupes viables. 

Du tout. Allez en France, Bolloré a vendu tout ce quil avait et a investi dans les médias avec Canal, avec Cnews…. Aujourdhui, rien ne se fait en France sans lui. Il a même créé un monstre quest Zemmour. Si vous allez aux Etat Unis cest la même chose ; la plupart des grands groupes sont contrôlés par des firmes. La différence est quaux Etats Unis léditorial est différent de la rédaction. Quand tu es propriétaire dun journal, tu peux faire un édito et soutenir qui tu veux mais cela nengage pas la rédaction. Cest le business. Nous devons nous adapter. 

On vous a reproché dêtre parrainé par Macky Sall ou dautres hommes de son régime. Quen est-il?

Cest totalement faux. Les gens font des raccourcis très faciles. Nous sommes toucouleurs, forcément quand un Al Pulaar monte quelque chose, cest forcément Macky Sall qui est derrière. Ce sont des raccourcis très dangereux. Macky Sall na rien à voir ni de près ni de loin avec notre entreprise. Ce sont des hommes affaires sénégalais qui ont pignons sur rue qui ont décidé dinvestir dans Emedia. Pour nous, ce sont des Sénégalais qui ont investi, comme les Sénégalais investissent dans nimporte quelle entreprise.

Cinq ans après, ce groupe que lon croyait parmi les plus solides se retrouvent dans des difficultés financières. Comment on en est arrivé là?

Les gens ont pensé quon avait énormément dargent, parce quils nétaient habitués à voir cela. Pour la première fois, on lance un groupe de presse avec une télé, une radio et un site internet en même temps. Et ensuite est venu le journal. Cest peut-être pourquoi on a pensé quon avait énormément dargent. Ce qui est contraire à la vérité ; on navait pas beaucoup dargent, mais on avait une force de frappe, cest-à-dire nos carnets dadresse, avec Boubacar Diallo, Mamoudou Ibra Kane, Mamadou Ndiaye. On sest battu pour trouver des partenaires et lancer cette affaire. Malheureusement, notre ascension a été un peu perturbée par la COVID; ensuite est venue la crise ukrainienne…. Aujourdhui la guerre au Yémen qui nous impacte aussi. Nous navons pas été encouragés par le contexte, mais nous tenons bon. Il faut préciser que nous avons juste des retards de salaire. Il ny a aucun arriéré. Il y a dans la presse des entreprises qui ne paient pas depuis des mois. Mais nous on essaie de se battre bon an mal an, même si la conjoncture est difficile pour tout le monde. Mais je comprends aussi les jeunes, cest tout à fait normal. Cest des jeunes mais ils sont des responsables qui ont des charges et qui ont des pressions, de leurs bailleurs, des familles… On comprend parfaitement parce que nous vivons avec eux. Vous le permettez de les remercier parce quils sont travailleurs, ils sont professionnels et ils font des résultats. Nous pensons quon va travailler à trouver ensemble des solutions aux problèmes qui sont conjoncturels

Est-ce que le départ de Mamoudou na pas précipité le groupe dans des difficultés? 

Mamoudou était le Directeur général. Quand il a pensé faire la politique, nous avons estimé que cest incompatible. Notre concept est dêtre professionnel, responsable et équilibré. Quand il a décidé de faire la politique, nous avons estimé quil devait aller soccuper de son mouvement. Donc les déclarations ou positions quil peut prendre nont rien à voir avec le groupe. Certains font lamalgame, parfois volontairement juste pour nous nuire. Ce que Mamoudou fait sur le plan politique ne nous engage pas. Il a décidé de se lancer en politique, nous autres membres de la rédaction avons choisi de rester journalistes. Donc les déclarations de Mamoudou ne doivent nullement engager Emédias. Il faut vraiment insister là-dessus et faire la part des choses entre les activités de son mouvement et le groupe de presse que je dirige. Le groupe reste équilibré et donnera la parole àtout le monde.

Ce que certains narrivent pas à comprendre, ce nest pas propre à Emedia, cest pourquoi les difficultés persistent dans les entreprises de presse, malgré toutes les mannes injectées par lEtat, notamment à travers laide à la presse et leffacement des dettes fiscales. Où passent ces mannes?

Moi jai toujours dénoncé quon donne de largent directement aux médias. Souvent quand on donne largent, ça couvre des dépenses, des dettes et dautres charges. Je suis pour un changement de paradigme. LEtat du Sénégal doit avoir une fiscalité adaptée à la presse. Il peut jouer par exemple sur le coût des intrants, sur la dette des entreprises de presse, sur lIpres la Caisse de sécurité sociale, les charges de la presse, au lieu de donner de largent à un patron qui peut en faire un usage non conforme. Aussi il faut surtout faire le nettoyage, assainir le milieu. Nimporte qui peut se lever un jour et créer un journal. Ça pose problème dans un pays sérieux. LEtat a failli dans son rôle de régulation. Nous sommes envahis par des gens qui nont rien à voir avec les médias. Il y a aussi la faillite des journalistes eux-mêmes qui nont pas défendu leur métier. Il faut aussi que les journalistes et les entreprises sadaptent, en investissant davantage le digital par exemple.

Vous posez là le problème du modèle économique. Quel modèle pour des entreprises de presse viables ?

Le modèle actuel nest plus opérant. Nous sommes appelés à nous adapter ou disparaître. Léconomie est dans le digital. Aussi, lécosystème même est à revoir. Ce nest pas normal que les Gafamrémunèrent les contenus en Europe, aux Etats Unis, en occident, et que rien ne soit fait en Afrique. Je pense que nos Etats à travers les organisations comme lUEMOA, la CEDEAO ou mêle lUnion africaine doivent prendre en compte cette problématique. Les gens produisent des articles avec tout ce qui va avec comme énergie et moyens déployés, on pompe, on met dans Google, on génère de la pub, et dautres perçoivent les retombées. Cest inacceptable. LAfrique doit aussi défendre sa presse. 

Ces difficultés coïncident avec le changement de régime. Est-ceque cale a joué sur la situation ?

Non je ne le pense pas. Le seul impact possible cest que les entreprises ont des contrats avec les ministères et institutions cest tout à fait normal que les nouvelles équipes qui viennent veuillent comprendre ce qui sest passé. Tous les médias ont des contrats et sont confrontés à ce genre de problème. Maintenant, moi je pense que les gens doivent chercher un modèle qui est moins dépendant de lEtat. Il faut aller vers la digitalisation, même si le papier a aussi sa place. Il faut trouver léquilibre qui doit être basé sur une étude sérieuse. Mais lécosystème de la publicité aussi doit être revu. Aujourdhui cest la jungle. Chacun fait ce quil veut. Est-ce que vous pouvez comprendre que des journaux viennent de létranger gagnent des marchés de pub à 600, 800 millions quils ramènent chez eux. Et pourtant quand il y aeu la COVID, on a eu recours à cette presse locale. Les gens ont fait le job. Lors des élections aussi, on voit le travail remarquable des médias locaux, les journalistes sont dans les bureaux de vote pour diffuser les résultats en direct, et contribuent ainsi à la transparence du scrutin ; vous pensez que tout ça a un prix ?

Malgré tout, on crie au scandale quand des entreprises de presse signent quelques contrats avec des structures étatiques, nest-cepas un paradoxe ?

Mais cest scandaleux. Comment on peut se taire quand un journal étranger vient ramasser une pub de 800 millions et se scandaliserquand une entreprise sénégalaise gagne un petit contrat de quelques millions. Les gens sont méchants, ils ont la haine de soi. Quand un journal sénégalais sen sort ça doit être une fierté. Ceux qui y travaillent sont des Sénégalais. Et après on va soffusquer de lémigration irrégulière. Cest un véritable paradoxe.

Vous avez parlé des grands groupes. On les voit rarement faire de la publicité dans nos médias. Comment lexpliquez-vous ?

Il y a une connivence entre ces groupes et les médias de leurs pays. Quand le patronat a de la pub, ils le font dans leurs médias. Les Sénégalais ny voient que du feu. Pourtant, cest de largent gagné ici. Vous ne verrez jamais de grand marchés de publicités de ces entreprises étrangères être confiées à nos entreprises. Ça pose problème. Et je pense que la rupture cest aussi à ce niveau. Cest une question de souveraineté au même titre que les autres. Regardons le cas de Canal, si aujourdhui il décidait de couper son signal, beaucoup de sénégalais ne pourront regarder les télés, hormis la TNT qui nest pas présente dans toutes les localités. Voilà les véritables enjeux.

Avez-vous pris pour le cas de Emedia des mesures pour assainir les finances ?

Loption de la digitalisation est irréversible. Jai vu beaucoup dexpérience dans ce domaine. Aux EtatsUnis par exemple, à la VOA, jai trouvé un de mes grands, Idrissa Fall, les réunions se font de façon virtuelle. Cela permet damoindrir les coûts, cela permet aussi davoir plus de traçabilité du travail…. Il faut aussi renforcer la qualité des contenus cest également un des défis majeurs pour tous les médias.

Le constat dans les télévisions est quil y a très peu démission en français, est-ce que nest pas problématique ?

Je pense que cest une bonne chose de faire davantage de place au wolof, parce que cest une langue parlée par tous les Sénégalais ; cest une langue de compréhension des Sénégalais ; cest une langue dunité nationale. Que lon soit Al Pulaar, Sérère, Njaago ou Diola, on comprend tous le Wolof, qui nous unit, qui nous permet de nous parler et de nous comprendre. Dailleurs Tiken Jah Fakoly la dit: « heureusement quau Sénégal ils ont le Wolof qui leur permet de se parler et de se comprendre ». Mais le français doit aussi avoir sa place, parce que cest la langue qui nous permet de parler au monde. Nous devons même développer des émissions en anglais. Nous, on en a à Iradio. Tous les dimanches, on fait la synthèse de lactu de la semaineen anglais pour nous faire comprendre par nos frères gambiens, les autres anglophones qui sont là également. On doit développer davantage ces formats. Comme disait lautre, cest enracinement et ouverture. Mais la langue wolof a permis de décoloniser linformation. Si aujourdhui, les chaînes étrangères ne peuvent pas avoir une certaine audience dans notre pays, cest parce que le wolof a permis de démocratiser linformation, de la faire comprendre. Le seul problème avec le wolof, cest quon na pas parfois la même exigence. Souvent cest la porte dentrée de tout le monde. Il suffit juste davoir un bon niveau de langue, de parler bien, et on vous recrute, alors quesur le plan professionnel vous avez des lacunes. Je pense que les écoles doivent intégrer cet aspect leurs cursus.

Avec les nouvelles autorités, il y a eu trop de contentieux, notamment quand ils étaient dans lopposition, pensez-vous que les relations peuvent se normaliser ?

Non, je ne vois pas de problème particulier. Ils viennent darriver, ils viennent de faire à peine un mois, il faut leur donner du temps et on avisera. Au début, il est normal quils veuillent faire létat des lieux. Je pense quils ont lobligation de travailler avec tous les Sénégalais, y compris les médias. En tant que Sénégalais nous ne sommes pas obligés davoir les mêmes points de vue, mais chacun doit pouvoir faire son travail dans le respect de lautre.  Pour la presse, elle doit continuer de travailler, aller chercher les niches dargent là où ils sont, ne pas dépendre de lEtat. Et les journalistes eux-mêmes doivent sadapter à la mentalité digitale. Cest devenu important. Mediapart est un exemple. Midi libre qui est aujourdhui exclusivement sur internet est un exemple. Nous devons imiter ce qui se fait de mieux dans le monde.

 

Source Quotidien Enquête

Written by: Admin

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